Le Cantique des cantiquesLe titre du livre est une forme de superlatif qui signifie « le plus beau de tous les cantiques ». En fait, il ne s'agit pas d'un cantique dans le sens courant du mot - d'un chant religieux - mais d'un chant d'amour.Selon la traduction proposée pour l'en-tête du livre, ce chant a été « composé par Salomon » ([1.1]). Cependant, l'hébreu permet aussi de comprendre que Salomon est le destinataire du poème ou encore le sujet du chant, l'un de ses personnages principaux : n'y est-il pas mentionné à six reprises ([1.5 ; 3.7, 9, 11 ; 8.11-12]) ? Il n'est donc pas possible de dater le chant de manière certaine.Le Cantique est rythmé par son refrain qui apparaît à trois reprises : « N'éveillez pas, non, ne réveillez pas l'amour avant qu'il ne le veuille » ([2.7 ; 3.5 ; 8.4]). En plus de ces divisions naturelles, certains délimitent d'autres sections dans le poème, en particulier entre [3.6] et [8.4].La compréhension du Cantique des Cantiques a donné lieu à des interprétations fort divergentes. On peut en relever trois types principaux.L'interprétation allégorique est riche d'une longue tradition. Elle prend essentiellement deux formes. Compris de manière collective, le chant décrirait l'amour de l'Éternel et de son peuple, du Christ et de l'Église. Certains, individualisant la relation, y ont discerné une description de l'amour mystique qui unit le croyant ou l'âme au Seigneur. La caractéristique de cette approche est de gommer le caractère très humain des données du texte pour leur attribuer une signification spirituelle.La majorité des spécialistes modernes se rallient, sous une forme ou une autre, à l'interprétation littérale. À leurs yeux, tel un écho au récit de la Genèse ([Gn 2.22-25]), le livre magnifie l'amour, dans ses dimensions effectives et physiques que scelle le mariage (voir [4.8] et note). Il développe ainsi l'enseignement des écrits de sagesse sur le couple ([Pr 2.17 ; 5.15-19]) dans une juste conception de la parfaite « bonté » de tout ce que Dieu a créé ([Gn 1.31]). Parmi les diverses approches littérales, deux interprétations doivent être mentionnées. L'interprétation historique voit dans le chant un récit soit à deux personnages - Salomon et la Sulamite, dont le livre retrace l'histoire de leur amour - soit à trois : Salomon, le roi au harem impressionnant ([1 R 11.3]), cherche à séduire la Sulamite qui résiste à ses avances pour rester fidèle à son bien-aimé, le berger (voir [1.4 ; 6.11-12 ; 8.11-14]). Selon l'interprétation lyrique, le Cantique chante l'amour entre la Sulamite et le berger, son « roi » et son « Salomon ».Parmi les partisans de l'approche littérale, certains optent encore pour une interprétation « typologique » ou parabolique. Contrairement à l'interprétation allégorique qui confère un sens spirituel à chaque détail du texte, cette compréhension laisse à la réalité humaine toute sa consistance. Mais à la manière de l'apôtre Paul ([Ep 5.22-23]), elle en souligne sa fonction de reflet : l'amour humain est image de l'amour de Dieu pour les siens.
1
1Le plus beau des chants, composé par Salomona. Voir l'introduction. Le roi est encore mentionné en [Ct 1.5 ; 3.7, 9, 11 ; 8.11-12].
Célébrons l'amour2 « Ah ! que ta bouche | me couvre de baisers,
car ton amour | est plus exaltant que le vin.
3 Combien suaves | sont tes parfums,
ton nom est comparableb | à une huile odorante | qui se répand.
Voilà pourquoi | les jeunes filles | sont éprises de toi.
Autre traduction : et ta renommée est comparable.
4 Entraîne-moi derrière toi ! | Courons ensemble ! »
« Le roi m'a fait entrer | dans ses appartements. »
Le choeur« Réjouissons-nous, | soyons dans l'allégresse | à ton sujet !
Célébrons ton amour | plus exaltant que le bon vin !
C'est bien avec raison | qu'on est épris de toi. »
5 « Ô filles de Jérusalemc, | je suis bronzée, | et pourtant, je suis belle,
pareille aux tentes de Qédard, | aux tentures de Salomon.
Voir v.3. Qédar : tribu arabe fixée au sud-est d'Édom et habitant sous des tentes ([Jr 49.29]) faites du poil des chèvres noires de ces régions. Le mot Qédar vient d'une racine hébraïque signifiant : être noir.
6 Ne vous étonnez pas | si je suis bien brunie,
le soleil m'a hâlée,
car les fils de ma mère, | irrités contre moi,
m'ont fait garder les vignes,
oui, mais ma vigne à moi, | je ne l'ai pas gardée.
7 Ô toi que mon coeur aime,
dis-moi où tu fais paître | ton troupeau de brebis,
où tu feras la halte | à l'heure de midi,
pour que je ne sois pas | comme une femme errantee,
rôdant près des troupeaux | que tes compagnons gardent. »
errante : comme une vagabonde, une coureuse qui cherche l'aventure ; ou : une voilée, c'est-à-dire une prostituée ([Gn 38.14-15]).
8 « Si tu ne le sais pas, | ô toi, la plus belle des femmes,
va donc suivre les traces | du troupeau de brebis,
fais paître tes chevrettes | près des huttes des pâtres. »
Avec les yeux de l'amour9 « Ô mon amie, | je te trouve pareille
aux chevaux d'attelage | du pharaonf.
Voir [1 R 10.29].
10 Tes joues sont belles | entre les perles,
ton cou est beau | dans tes colliers,
11 nous te ferons | des perles d'or
tout incrustées | de points d'argent. »
12 « Jusqu'à ce que le roi | parvienne à son enclosg,
mon nardh exhale son parfum.
Autre traduction : pendant que le roi mangeait à sa table. Plante aromatique originaire de l'Inde.
13 Car mon bien-aimé est pour moi | comme un sachet de myrrhe,
entre mes seinsi | il passera la nuit.
La myrrhe était une gomme aromatique extraite du balsamier qui pousse en Arabie, en Éthiopie et aux Indes. Elle était utilisée comme parfum ([Est 2.12] ; [Pr 7.17] ; [Ps 45.9] ; comparer [Mt 2.2, 11]) ; elle entrait aussi dans la composition de l'huile sainte ([Ex 30.23]).
14 Oui, mon bien-aimé est pour moi | un bouquet de hennéj
des vignes d'Eyn-Guédik. »
Plante aromatique utilisée comme parfum. Oasis alimentée par une source, à l'ouest de la mer Morte, où poussent beaucoup de plantes aromatiques.
15 « Que tu es belle, | ma bien-aimée, | que tu es belle !
Tes yeux ressemblent | à des colombes. »
16 « Que tu es beau, mon bien-aimé, | tu es superbe !
Notre lieu de repos | est un lit verdoyant.
17 Les solives de nos maisons, | ce sont les cèdres,
et les cyprès sont nos lambris. »
2
Malade d'amour1« Moi, je suis une fleur | qui pousse dans la plaine du Saronl,
un lis de la vallée. »
Le narcisse du Saron, une sorte de crocus poussant dans la plaine côtière au sud du Carmel (entre Haïfa et Jaffa).
2 « Oui, comme un lis | parmi des ronces est mon amie | parmi les filles. »
3 « Comme un pommier | parmi les arbres | de la forêt
est mon ami | parmi les jeunes gens,
j'ai grand plaisir | à m'asseoir à son ombre.
Combien son fruit est doux | à mon palais.
4 Il m'a conduite | dans la maison du vinm
et il a déployé sur moi, | l'étendardn de l'amour.
Selon certains, un lieu de banquet et de réjouissances, selon d'autres, non un débit de boisson, mais, au sens figuré, le « lieu » où le bien-aimé et sa bien-aimée s'enivrent l'un de l'autre (voir [Ct 5.1]). Signe de ralliement ([Es 5.26 ; 11.10]) ; selon d'autres, enseigne du « lieu » de l'enivrement mutuel.
5 Restaurez-moi | avec des gâteaux de raisins,
soutenez-moi | avec des pommes,
car je suis malade d'amour.
6 Son bras gauche soutient ma tête,
et son bras droit m'enlace.
7 Ô filles de Jérusalem, | oh, je vous en conjure
par les gazelles | ou par les biches | de la campagne :
n'éveillez pas, | non, ne réveillez pas l'amour
avant qu'il ne le veuilleo.
Voir [Ct 3.5 ; 8.4]. Autre traduction : n'éveillez pas, non, n'éveillez pas ma bien-aimée avant qu'elle ne le veuille.
Le voici, il vient8 « J'entends mon bien-aimé,
oui, le voici, il vient,
sautant sur les montagnes
et bondissant sur les collines.
9 Mon bien-aimé ressemble | à la gazelle
ou à un jeune cerf.
Le voici : il est là, | derrière notre mur,
guettant par les fenêtres
et lançant des regards | à travers les treillis.
10 Mon bien-aimé me parle,
et il me dit :
Lève-toi, mon amie, | viens donc, ma belle,
11 car l'hiver est passé
et les pluies ont cessé, | leur saison est finie.
12 On voit des fleurs éclore | à travers le pays,
et le temps de chanter | est revenu.
La voix des tourterelles | retentit dans nos champs.
13 Sur les figuiers, | les premiers fruits mûrissentp.
La vigne en fleur | exhale son parfumq.
Lève-toi, mon amie, | et viens, | oui, viens, ma belle.
Le figuier d'Israël porte deux récoltes de figues par année : les précoces, qui ont passé l'hiver sur l'arbre, au printemps, les tardives en été ([Mc 11.13]). C'est des premières dont il est question. Autre traduction : les ceps de Semadar exhalent leur parfum. Il est question d'un lieu appelé Semadar dans les tablettes d'Ebla, site situé en Syrie où l'on a découvert plusieurs milliers de tablettes datant du 3e millénaire av. J.-C. ; il se peut qu'on y produisait un vin réputé.
14 Ma colombe nichée | aux fentes du rocher,
cachée au plus secret | des parois escarpées,
fais-moi voir ton visage
et entendre ta voix,
car ta voix est bien douce | et ton visage est beau.
15 Prenez-nous les renardsr,
oui, les petits renards | qui ravagent nos vignes
quand elles sont en fleur.
Parole énigmatique, peut-être une demande que l'on écarte tout ce qui pourrait endommager les vignes en fleur, l'amour du bien-aimé et de sa bien-aimée. Les renards abondaient en Judée et y causaient beaucoup de dommages dans les vignes et les jardins.
16 Mon bien-aimé, il est à moi, | et moi, je suis à lui,
lui qui paît son troupeau | sur les prés pleins de liss.
Voir [Ct 6.3 ; 7.11].
17 Et quand viendra la brise
à la tombée du jour,
et quand s'estomperont les ombres,
reviens, ô toi mon bien-aimé,
pareil à la gazelle | ou à un jeune faon
sur les monts escarpést.
Autres traductions : sur les monts de Béther, lieu non identifié, ou sur les monts qui nous séparent. Il pourrait encore s'agir d'une image pour les seins de la bien-aimée.
3
Pensées nocturnes1« Sur mon lit, au long de la nuit,
j'ai cherché, j'ai cherché | celui que mon coeur aime.
Je l'ai cherché, | mais ne l'ai pas trouvé.
2 Je me suis dit alors : | Il faut que je me lève,
je ferai le tour de la ville | par les rues et les places,
je chercherai partout | celui que mon coeur aime.
Je l'ai cherché, | mais je ne l'ai pas trouvé.
3 J'ai rencontré les gardes | qui faisaient le tour de villeu.
Je leur ai demandé : | Celui que mon coeur aime, | ne l'avez-vous pas vu ?
Les gardes se tenaient la nuit près de la porte ([Ne 3.29 ; 11.19 : 13.22]) ou sur les remparts ([Ct 5.7] ; [2 S 13.34 ; 18.24-27] ; [2 R 9.17-20] ; [Ps 127.1] ; [Es 52.8 ; 62.6]). Sans doute patrouillaient-ils aussi dans la ville ([Ct 5.7]).
4 Les ayant dépassés,
peu après, j'ai trouvé | celui que mon coeur aime.
Je l'ai saisi bien fort, | et ne l'ai plus lâché
qu'après l'avoir conduit | au logis de ma mère,
dans la chambre de celle | qui m'a donné le jour.
5 Ô filles de Jérusalem, | oh, je vous en conjure
par les gazelles | ou par les biches | de la campagne :
n'éveillez pas, | non, ne réveillez pas l'amour
avant qu'il ne le veuillev. »
Voir [Ct 2.7] et note ; [Ct 8.4].
Cortège royal6 « Qui monte du désertw
comme un nuage de fumée,
aux senteurs de myrrhe et d'encens
et de tous parfums exotiques ?
Voir [Ct 8.5]. Le désert est celui de Judée, c'est-à-dire les collines incultes entourant Jérusalem.
7 Voici le palanquinx, | le palanquin de Salomon
escorté de ses soixante hommes,
l'élite des guerriers en Israël.
Sans doute une litière richement ornée ou un trône portatif.
8 Ils sont tous armés de l'épée,
ils sont initiés au combat.
Chacun a l'épée au côté
pour parer aux dangers nocturnes.
9 Le palanquin royal | fait sur ordre de Salomon
est en bois du Liban.
10 Ses colonnes sont en argent,
son dossiery est en or,
son siège est fait en pourpre.
Les filles de Jérusalem
ont tapissé avec amour | tout l'intérieur du palanquin.
Terme de sens incertain. Autres traductions : lit, siège, base, support, trône.
11 Ô filles de Sion, | sortez et contemplez
le grand roi Salomon
portant le diadème | dont le ceignit sa mère
au jour de son mariage,
au jour où tout son coeur | était rempli de joie. »
4
Que tu es belle, ô mon amiez1« Que tu es belle, | ô mon amie, | que tu es belle !
Tes yeux ressemblent | à des colombes
dessous ton voile,
ta chevelure | est comme un troupeau de chèvres
aux flancs du mont Galaada.
Le rythme de la traduction ([Ct 4.1 à 5.1]) accentue les 1ère, 4e et 7e syllabes. Noires comme les chèvres de ce pays.
2 Tes dents ressemblent | à un troupeau de brebis | passé aux mains des tondeurs
qui reviendrait du lavoir.
Chacune d'elles | a sa jumelle,
aucune n'est solitaire.
3 Voici tes lèvres | comme un ruban écarlate,
combien ta bouche est charmante !
Et tes tempes ressemblent | à des moitiés de grenadesb
dessous ton voile.
À cause de leur couleur rougeâtre (voir [Ct 6.7]).
4 Ton cou ressemble | à la tour du roi David,
bâtie comme un arsenal :
mille rondaches | y sont penduesc,
tous les pavois des héros.
Allusion au collier formé de pièces de monnaie entourant le cou comme les boucliers ronds suspendus autour des tours ([Ez 27.10s.]).
5 Comme deux faons, | sont tes deux seins,
comme deux jeunes gazelles | qui sont jumelles
et qui vont paître | parmi les lis. »
6 « Quand viendra la fraîcheur | avec la tombée du jour,
et quand les ombres | s'estomperont,
je m'en irai | vers la montagne de myrrhe,
vers la colline encensée. »
La beauté de l'amour7 « Que tu es belle, | ô mon amie,
tu es parfaitement belle, | sans un défaut.
8 Ma fiancéed, | tu vas venir avec moi, | tu vas venir du Liban,
oui, du Liban avec moi.
tu contemplerase la plaine | du sommet de l'Amana,
du Sénir et de l'Hermonf.
Là, les lions | ont leur retraite,
et les panthères | se cachent dans les montagnes.
Le mot hébreu, qui se retrouve aux v.9, 10, 11, 12 et en [5.1], désigne l'épousée, juste avant ou juste après le mariage, comme en [Os 4.13ss]. Autre traduction : tu dévaleras. Différents sommets du nord de la Palestine.
9 Tu me fais perdre le sens, | ô toi, ma soeurg, | ma fiancée,
tu me fais perdre le sens | par un seul de tes regards,
par un seul de tes joyaux | suspendu à tes colliers.
ma soeur : terme d'affection du langage amoureux, courant dans la poésie du Moyen-Orient ancien (voir v.10, 12 ; [Ct 5.1]).
10 Ton amour est délicieux | ô toi, ma soeur, | ma fiancée,
oui, ton amour | exalte plus que le vin
et la senteur | de tes parfums | exalte plus | que tous les baumes.
11 Tes lèvres, ma fiancée, | distillent un nectar pur,
et, sous ta langue, | coulent du miel et du lait,
et le parfum | de tes habits | est tout pareil | à la senteur du Liban.
12 Tu es un jardin bien clos, | ô toi, ma soeur, | ma fiancée.
Tu es une source close, | une fontaine scelléeh.
On avait l'habitude de fermer les puits ([Gn 29.2-3]).
13 Tes rameaux sont un verger, | un verger de grenadiers
portant les fruits les meilleurs :
le henné avec le nard,
14 le nard avec le safran | et la cannelle odorante, | le cinnamomei,
et toutes sortes | d'arbres donnant de l'encens,
de l'aloès | et de la myrrhe,
et les plus fins aromates.
Diverses plantes aromatiques précieuses.
15 Tu es la source des jardins,
un puits d'eaux vives,
d'eaux ruisselant du Libanj.
Dont les neiges éternelles alimentent des cours d'eau frais et intarissables.
16 Éveille-toi, Aquilon ! | Accours, Autank !
Viens souffler sur mon jardin, | pour que ses parfums s'exhalent ! »
Le jardin de l'amour« Que mon bien-aimé pénètre | dans son jardin
et qu'il en goûte | les fruits exquis. »
L'aquilon, vent du nord, apporte la fraîcheur ; l'autan, du sud, réchauffe et fait mûrir. Les deux doivent diffuser les parfums du verger.
5
1« Je viens, ma soeur, | ma fiancée, | dans mon jardin,
je viens récolter ma myrrhe, | je viens cueillir | mes aromates,
je viens manger mon rayon | avec mon miel,
et je viens boire mon vin | avec mon lait.
Mangez, amis, et buvez, | oui, buvez jusqu'à l'ivresse, | mes bien-aimés. »
Rendez-vous manquél2 « Je me suis endormie, | pourtant mon coeur veillait.
J'entends mon bien-aimé frapper :
Ma soeur, mon amie, ouvre-moi,
toi, ma colombe, | toi, ma parfaite,
car j'ai la tête | couverte de rosée.
Mes boucles sont trempées | des gouttes de la nuit.
De [5.2 à 6.3], le rythme de la traduction accentue de nouveau les syllabes paires.
3 J'ai ôté ma tunique, | comment la remettrais-je ?
Et j'ai lavé mes pieds : | comment les salirais-je ?
4 Mon bien-aimé avance | sa main par l'ouverture,
mon coeur en a frémi
5 et je me suis levée | pour aller lui ouvrir.
De mes mains, goutte à goutte, | de la myrrhe a coulé,
de la myrrhe onctueuse | a goutté de mes doigts
jusque sur la poignée | du verrou de la porte.
6 J'ouvre à mon bien-aimé.
Hélas, mon bien-aimé | était déjà parti : | il s'en était allé,
et son départ | me rendait éperdue.
Je l'ai cherché, | mais ne l'ai pas trouvé.
Et je l'ai appelé, | mais il ne m'a pas répondu.
7 Les gardes m'ont croisée | en faisant le tour de la ville,
les gardes m'ont frappée | et ils m'ont maltraitée.
M'ont arraché mon châle, | les gardes des remparts.
8 Ô filles de Jérusalem, | oh, je vous en conjure :
si vous le rencontrez, | mon bien-aimé,
annoncez-lui
que je suis malade d'amour ! »
Le choeur9 « Qu'a donc ton bien-aimé | de plus qu'un autre ?
Dis-nous, toi la plus belle | parmi toutes les femmes,
oui, qu'a-t-il donc ton bien-aimé | de plus qu'un autre
pour que tu nous conjures, | de façon si pressante ? »
Que tu es beau, mon bien-aimé10 « Mon bien-aimé | a le teint clair et rose,
on le distinguerait | au milieu de dix mille.
11 Sa tête est comme de l'or pur.
Ses boucles sont flottantes
comme un rameau de palmem, | et d'un noir de corbeau.
comme un rameau de palme : sens incertain.
12 Ses yeux sont des colombes
sur le bord des cours d'eau,
ils baignent dans du lait
et sont comme enchâssés | dans un chaton de bague.
13 Ses joues ressemblent | à un parterre d'aromates
exhalant leurs parfums.
Ses lèvres sont des lis
distillant de la myrrhe, | de la myrrhe onctueuse,
14 et ses mains, des bracelets d'or
incrustés de topazesn.
Son corps est d'ivoire poli
émaillé de saphirs.
Autre traduction : chrysolithe.
15 Ses jambes sont semblables | à des piliers de marbre
sur des socles d'or pur.
Son aspect est pareil | à celui du Libano
et d'une beauté sans égale, | comme les cèdres.
Aussi majestueux que cette chaîne de montagnes qui se dresse au nord de la Palestine.
16 Son palais est plein de douceurs
et toute sa personne | est empreinte de charme.
Tel est mon bien-aimé, | oui, tel est mon ami,
ô filles de Jérusalem. »
6
Le choeur1« Où est allé ton bien-aimé,
ô toi la plus belle des femmes ?
De quel côté s'est-il tourné, | ton bien-aimé ?
Nous t'aiderons à le chercher. »
Le lien de l'amour2 « Mon bien-aimé | est descendu dans son jardin,
vers ses parterres d'aromates,
pour faire paître son troupeau
et pour cueillir des lis | dans le jardin.
3 Moi, je suis à mon bien-aimé | et mon bien-aimé est à moi,
lui qui fait paître son troupeau | dans les prés pleins de lisp. »
Voir [Ct 2.16 ; 7.11].
La plus belle de toutesq4 « Que tu es belle, | ô mon amie, | comme Tirtsar.
Tu es superbe | tout comme Jérusalem,
et redoutable | comme des soldats rangés | sous leur bannière.
Dans [6.4-10], le rythme de la traduction accentue les 1ère, 4e et 7e syllabes. Tirtsa : ancienne ville cananéenne du centre du pays ([Jos 12.24]), choisie par Jéroboam I (930 à 909 av. J.-C.) comme la première capitale du royaume du Nord ([1 R 14.17]). Son nom signifie « plaisir, beauté ».
5 Détourne de moi tes yeux, | car ils me troublent,
ta chevelure | est comme un troupeau de chèvres
aux flancs du mont Galaad.
6 Tes dents ressemblent | à un troupeau de brebis
qui reviendrait du lavoir.
Chacune d'elles | a sa jumelle,
aucune n'est solitaire.
7 Tes joues ressemblent | à des moitiés de grenades
dessous ton voile.
8 Il y a soixante reines
et quatre-vingts | épouses de second rang,
des jeunes filles sans nombre.
9 Mais une seule | est ma colombe | et ma parfaite.
Pour sa mère, elle est unique.
Elle est l'enfant préférée | de celle qui l'enfanta.
Les jeunes filles, | en la voyant, | disent qu'elle est bienheureuse.
Toutes les reines, | et les épouses | de second rang | font son éloge. »
Le choeur10 « Qui donc est celle | qui apparaît | comme l'aurore
et qui est belle | comme la lune, | brillante comme un soleil
mais redoutable | comme des soldats rangés | sous leur bannières ? »
D'autres comprennent : comme ces astres admirables.
Poussée par le désirt11 « Je venais de descendre | au jardin des noyers
pour regarder les pousses | dans le vallon
et pour voir si la vigne | avait déjà fleuri,
et si les grenadiers | étaient déjà en fleurs.
À partir de là, le rythme de la traduction accentue de nouveau les syllabes paires.
12 Je ne sais pas comment | je me suis retrouvée, | poussée par mon désir,
au beau milieu des chars | des hommes de mon princeu. »
La traduction de ce verset est difficile. En adoptant un autre découpage et une autre vocalisation de certains mots hébreux que ceux du texte hébreu traditionnel, on obtient : mais je ne me reconnais plus ! Il m'intimide bien que je sois la fille de nobles gens (voir [Ct 7.2] où se retrouve la même expression, traduite : fille de prince).
7
Le choeur1« Reviens, reviens, | ô Sulamitev !
Reviens, reviens, | que nous puissions te contempler. »
Une danse enivrante« Pourquoi voulez-vous voir la Sulamite
dansant comme en un double choeur ? »
Sulamite : la bien-aimée. Selon certains, ce mot serait une variante du nom Sunamite, c'est-à-dire « femme originaire de Sunem » ([Jos 19.18]). Abichag la Sunamite était réputée pour sa beauté ([1 R 1.3-4]). Selon d'autres, ce mot serait une forme féminine du nom Salomon.
2 « Que tes pas sont gracieux | dans tes sandales, | fille de prince !
Le contour de tes hanches | ressemble à un collier,
oeuvre de mains d'artiste.
3 Ton nombril est comme une coupe | bien arrondie
où le vin parfumé | ne manque pas.
Ton ventre | est comme une meule de blé
bordée de lis.
4 Tes deux seins sont deux faons
jumeaux d'une gazellew.
Voir [Ct 2.7] et note ; [Ct 3.5].
5 Ton cou est une tour, | une tour en ivoire.
Tes yeux sont des étangs, | des étangs de Hechbônx
près de la porte Populeusey,
et ton nez est semblable | à la tour du Liban
postée en sentinelle | en face de Damasz.
Hechbôn : ancienne capitale du royaume amoréen situé à l'est du Jourdain où Sihon avait été vaincu par Moïse ([Nb 21.26]). Littéralement : près de la porte de Bath-Rabbin (= fille d'une multitude), probablement un nom poétique de Hechbôn. Soit une tour de garde sur la frontière nord du royaume de Salomon, vers la Syrie, soit les monts du Liban.
6 Ta tête, sur ton corps, | est comme le Carmel
et tes cheveux | ont des reflets de pourpre.
Un roi est enchaîné | dans leurs ondulations. »
7 « Que tu es belle | et que tu es gracieuse,
ô mon amour, | ô fille délicieuse.
8 Par ta taille élancée | tu es comme un palmier.
Tes seins en sont les grappes.
9 Alors j'ai dit : | Ah, je vais monter au palmier,
j'en saisirai les grappes.
Que tes seins soient pour moi | des grappes de raisin !
Le parfum de ton souffle | rappelle celui de la pomme,
10 et ton palais distille | le vin le plus exquis... »
« Oui, un bon vin | qui va droit à mon bien-aimé,
et glissea sur les lèvres | de ceux qui s'assoupissent. »
glisse : sens incertain.
Viens donc, mon bien-aimé !11 « Moi, je suis à mon bien-aimé
et c'est moi qu'il désireb.
Voir [Ct 2.16 ; 6.3].
12 Viens donc, mon bien-aimé, | sortons dans la campagne.
Nous passerons la nuit | au milieu des hameaux,
13 et nous nous lèverons | au matin, de bonne heure,
pour aller dans les vignes,
pour voir si elles sont en fleur | et si leurs bourgeons sont ouverts,
si déjà sont sorties | les fleurs des grenadiers.
Là-bas, je te ferai | le don de mon amour.
14 Les mandragoresc | exhalent leur parfum.
Nous avons, à nos portes, | des fruits exquis de toutes sortes,
tant anciens que nouveaux.
Pour toi, mon bien-aimé, | je les ai réservés.
Fruits auxquels certains attribuent encore aujourd'hui le pouvoir de favoriser la fécondité. (voir [Gn 30.14-16]).
8
1« Ah, que n'es-tu mon frère
allaité par ma mère !
Te rencontrant dehors, | je pourrais t'embrasser
sans que l'on me méprise,
2 je pourrais t'emmener, | je te ferais entrer | au foyer de ma mère,
là, tu m'enseignerais
et je te ferais boire | du bon vin parfumé
de mon jus de grenades.
3 Son bras gauche soutient ma tête
et son bras droit m'enlace.
4 Ô filles de Jérusalem, | oh, je vous en conjure,
n'éveillez pas, | non, ne réveillez pas l'amour
avant qu'il ne le veuilled. »
Voir [Ct 2.7] et note ; [Ct 3.5].
Le choeur5 « Qui donc est celle-ci | qui monte du désert
s'appuyant sur son bien-aimé ? »
L'amour : fort comme la mort« C'est dessous le pommier | que je t'ai réveillé,
à l'endroit où ta mère | t'avait conçu,
oui, au lieu même où te conçut | celle qui devait t'enfanter.
6 Mets-moi comme un sceaue sur ton coeur,
comme un sceau sur ton bras.
L'amour est fort | comme la mort,
et la passion | est indomptable | comme le séjour des défunts.
Les flammes de l'amour | sont des flammes ardentes,
les flammes de la foudre | venant de l'Éternel.
Le sceau imprimait le signe d'authenticité sur les actes officiels (il remplaçait notre signature). On le portait toujours avec soi, attaché à un cordon autour du cou (sur ton coeur) ou porté au doigt (sur ton bras).
7 Même de grosses eaux | ne peuvent éteindre l'amour,
et des fleuves puissants | ne l'emporteront pas.
L'homme qui offrirait | tous les biens qu'il possède | pour acheter l'amour n'obtiendrait que mépris. »
La petite soeur8 « Nous avons une soeur,
elle est petite encore, | sa poitrine n'est pas formée,
que ferons-nous pour elle
lorsqu'il sera question | de la marier ? »
9 « Si elle est un rempart,
nous bâtirons sur elle | des créneaux en argent.
Si elle est une porte,
nous, nous la bloquerons | d'un madrier de cèdre.
10 Moi, je suis un rempart,
mes seins en sont les tours.
Aussi ai-je trouvé la paix, | auprès de lui. »
La vigne de Salomon11 « Salomon avait une vigne | à Baal-Hamônf,
il la remit à des gardiens.
Pour en payer le fruit, | chacun d'eux lui donnait | un millier de pièces d'argent.
Baal-Hamôn : lieu non identifié.
12 Ma vigne est à moi, je la garde.
Toi, Salomon, tu peux avoir | ton millier de pièces d'argent,
puis, deux cents pièces | seront données à ceux | qui ont gardé ses fruits. »
Fais-moi entendre ta voix13 « Toi qui habites les jardins,
des compagnons, prêtent l'oreille,
oh ! fais-moi entendre ta voix ! »
14 « Enfuis-toi vite, toi mon bien-aimé,
et sois pareil à la gazelle | ou à un jeune faon,
sur les monts embaumés. »